Translation par Marc Boudreau Depuis longtemps déjà, tu ne résistes plus à ces pulsions qui t’invitent à partir. Cette fois-ci, elles t’ont conduite dans les brumes spectrales du petit matin. Les particules de lumière que transporte l’air saturé illuminent le tapis de feuilles d’une étrange façon, évoquant les splendeurs d’un monde révolu ou encore à venir. Une mince couche de matière végétale couvre le sol, fatiguée, broyée par l’incessant poids de la neige des derniers mois. Ainsi donc, tu marches où te conduisent tes pas. Des cerfs te précèdent. Tu distingues le sémaphore de leur queue au moment où la brume les absorbe. Tu progresses avec lenteur et assurance, effleurant de tes paumes des lambeaux immatériels et diaphanes jusqu’au lieux où l’immobilité règne. Les berges t’ont toujours attirée. Le rivage est chargé de mystères. Les arbres, bien que seigneurs des lieux, sont à demi visibles. Une aura d’éternité nimbe toute chose. Ne plus respirer… Ne plus bouger… Le tableau te fait captive, nul autre endroit n’existe. Comme ta vision s’adapte, tu perçois l’infime mobilité de choses aux apparences immuables. Une lente et murmurante rotation du socle tout entier et de tout ce qu’il porte. Les grands érables ne savent plus si ils doivent, ou non, exister dans ton regard. Un garrot laisse, sur la surface du lac, la trace évanescente de son passage. Tu laisses cette translucidité mise en superposition conduire ta conscience puisqu’elle occupe tout l’espace disponible. Soudainement, les arbres, les rochers se multiplies. Comme si on avait retiré le papier de soie dans lequel tout était enveloppé. La fluidité des lieux se retire et le règne du tangible, du palpable reprend ses droits. Le vent (quel vent?!) secoue les branches et le grand rideau se déplace. Ici et là, le ciel est maculé d’azur. Puis, le canevas se déchire subitement et expose à ton regard les caps et les falaises qui chantent sous le souffle doux d’Éole. La lumière assume sans partage son rôle et bombarde les eaux du lac de ses millions de fragments embrasés. Avant d’abdiquer totalement, la brume accroche ses derniers lambeaux à tout ce qui fait saillie sur la paroi. « Quels océans, quels rivages, quels gris rochers et quelles îles? » (Ainsi résonnent les mots de ton enfance, murmurés par T. S. Eliot) Tu griffonnes pages après pages, tentant désespérément de capturer les nuances, les teintes, les trames visuelles. Secouée par la mouvance de cet instant qui t’échappe. Puis, tu réalises que tout, toujours, n’est que changement. Perceptible ou non… Une matinée ensoleillée de printemps célèbre la beauté au lac Paradis. Beauté dont tu n’as pu saisir qu’un fragment… À tout le moins, sur papier…
0 Comments
Avec les lumières naissantes du jour, tu es là. Les couleurs saturées de l'automne rendent les lieux dramatiques. En silence, tu descends la pente douce qui mène à l'eau. Tu retrouves la toile là où tu l'as laissée la veille. Les reflets matinaux transforment la surface du lac et tu pagaies vers le lieux où, il y a quelques heures à peine, tu te trouvais. L'éclairage provient, ce matin, de l'horizon opposé et toute chose se présente sous une autre identité; différente, par son jeu d'ombre et de lumière, de tes perceptions de la veille. Arrivé à l'emplacement précis où tu te rendais, tu appuies ton kayak contre le tronc tombé au sol il y a plusieurs décennies. Tu t'installes confortablement. Avec lenteur. L'étrange ambiance de cette matinée te séduit. Sa douce quiétude pénètre ton âme. Tu es ICI. Rien d'autre n'a d'importance. Quand le son des éclaboussures attire ton attention, tu reste présent. Lentement, tu te retournes pour identifier la source de cette commotion. Quelques secondes te sont nécessaires avant que tu ne réalises, à ta grande surprise, que ton bruit est plutôt un orignal qui traverse le lac. Sa tête portée fièrement. Ses oreilles secouant les gouttelettes d'eau comme autant de perles splendides. La représentation même de la force tranquille. Il y a toi. Il y a cet élan d'amérique à la surface du lac. Libres dans la lumière de ce jour nouveau. Rapidement, il disparaît dans les buissons. Laissant dans ton esprit un sillage magnifique, éphémère et précieux. Mille mercis pour cette interruption inespérée, cher monarque de nos forêts. Traduit avec l‘aide de Marc Boudreau |
AuthorThis is the chance to get to know the entire artist, painting and beyond! Here you will find poetry, stories, music and even life philosophy. Welcome to my mind! Archives
April 2024
Categories |